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Catherine & Dominique DERAIN – Terroir et Truculence

Catherine & Dominique DERAIN – Terroir et Truculence

Extrait du Livre « Raisin – 100 grands vins naturels d’Émotion » – Edition Reverse

Terroir et truculence

Quand on parle de pionniers du vin nature, surtout en Bourgogne où ils ne sont pas légion, le nom de Dominique Derain revient automatiquement. L’ancien tonnelier, passé par les grands domaines bourguignons, a commencé à expérimenter le vin libre au milieu des années 1980. D’abord chez les autres, ce qui lui a valu quelques désagréments, puis chez lui lorsqu’il s’est installé en 1998. Immédiatement en bio, rapidement certifié, puis transition vers la biodynamie, en précurseur là aussi (avec sa copine Lalou Bize-Leroy, vigneronne discrète d’un petit domaine de Vosne-Romanée). A l’époque, Dominique ne sait pas forcément où il va, mais il sait ce qu’il ne veut plus faire.

Les désherbants, les produits de synthèse, les centaines d’intrants que l’on déverse année après année dans les cuves pour standardiser les jus et satisfaire le plus grand nombre, très peu pour lui, quitte à prendre quelques risques, notamment sur sa célèbre parcelle de Saint-Aubin En Remilly… Inconsciemment, c’est peut-être pour cela que nous avons choisi cette cuvée. Nous savons qu’elle occupe une place particulière dans son cœur.

C’est la première vigne qu’il a plantée, en 1987, sur cette petite parcelle historique de Saint-Aubin de 0,7 hectare, située sur la pente Sud du Montrachet, qu’il louait à la commune.

Ou alors, c’est simplement lié à l’émotion que nous avons ressentie lorsque nous avons bu ce vin aux arômes puissants et à la minéralité exceptionnelle, alliance magique, mais rare, si caractéristique de 2010, millésime qui restera certainement comme le plus beau de la décennie.

« Quand je me suis lancé, qu’est-ce que j’ai fait comme conneries ! », nous balance Dom Derain avec son rire signature. « Je tentais des choses qui ne rapportaient rien. Par exemple en 1991, première récolte de Remilly qui était une jeune vigne, on a vendangé un peu en même temps que les autres, on a fait 8 hl/ha, j’avais une surmaturité naturelle extraordinaire. Là, je me suis dit : « Putain, c’est quand même bluffant !’. L’année suivante, en 1992, j’ai décidé de faire pareil. Ma mère est venue, elle n’avait jamais vu du raisin dans cet état-là. Elle m’a dit : « Tu vas faire du vin avec ça? » (rires). C’était plein de moisi et de champignons, j’en ai fait des passerillés et plein d’autres expériences », nous relate Dominique avec une certaine nostalgie pour cette époque où il n’hésitait pas à prendre des risques qu’il considère aujourd’hui inconsidérés.

Cette vendange tardive produite cette année-là n’était pas vraiment à vendre.

Malgré tout, certaines personnes bien informées avaient essayé d’en acheter. Ce fut le cas d’un sommelier d’une grande maison étoilée qui, de manière insistante, revint plusieurs fois au domaine pour en acquérir.

En vain. Dominique avait initialement réalisé cette cuvée pour ses potes et avait surtout dû attendre trois ans pour que la fermentation s’achève. Il ne cherchait donc pas d’acquéreurs… surtout si ces derniers se révélaient insistants et fort peu sympathiques. « On a appelé ça Pépite. On avait mis de l’or dix-huit carats dans la cire bleue, c’était superbe, mais j’étais fou. Aujourd’hui, ça marcherait sûrement, mais à l’époque, ça n’avait pas de sens d’un point de vue commercial. »

Avec le temps, Dom s’est assagi, enfin en partie… Disons qu’il a appris, compris, et, sans perdre son côté explorateur, il a patiemment affiné sa méthode pour finalement produire année après année des nectars d’une précision et d’une intensité inégalées en Côte-de-Beaune. « Le Chardo et le Pinot se sont des cépages délicats. Pour moi, il faut garder cette délicatesse. Un grand vin, c’est celui qui a réussi à la conserver et à l’exprimer, naturellement, sans phare. Ensuite, j’aime que ce soit sur le fruit, qu’il y ait de la fraicheur, des aromatiques, un peu de matière. Enfin, le vin doit être équilibré. Sur 2014 par exemple, on a du gras et de la minéralité derrière. Pour ça, il faut une maturité de raisin qui amène des arômes un peu riches parfois et qu’il y ait une fraicheur pour contrebalancer; via l’acidité ou l’acidulé. Un vin trop lourd, trop mou ou trop acide, on s’en lasse vite. Le bon vin, c’est celui où on a envie d’y retourner. »

Le combat de Dominique fait d’expérimentations, de coups durs et de coups de génie a duré vingt-huit ans, jusqu’à ce qu’il décide en 2016 de rendre les armes ou, plus justement, de les transmettre à Julien Altaber, son fils spirituel, à ses côtés depuis près de dix ans.

Mais n’allez pas croire qu’il a immédiatement troqué son sécateur pour une chaise longue.

Cet actif boulimique, accro aux levures, a traversé l’Atlantique pour vinifier du Pinot Noir au Chili, sans parler de ses collab’ avec ses potes de Banyuls et leur négoce Tutti Frutti.

Loin de sa Bourgogne natale, Dom, plus libre que jamais, continue de faire chanter les moûts au rythme de son rire légendaire.

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