News

Philippe Bornard – Vigneron du Jura

Philippe Bornard – Vigneron du Jura

Extrait du livre Entre les vignes 3 générations de vignerons du Jura – éditions reverse

Philippe Bornard a tout vu, tout connu. Il a appris du grand-père et du père avant de transmettre au fils. En cinquante ans, il a aidé, planté, coopéré, puis quitté, pour se lancer. Il a testé, pris des risques et réussi avant finalement de tout arrêter.

Changement de génération. Apres le poulsard du fils, on passe à celui issu de vieilles vignes plantées par son père sur un terroir d’oxydes de fer. A l’époque, son père pouvait encore les greffer lui-même, ce qui est interdit aujourd’hui, au grand regret de Philippe.

«Les normes, c’est de la couille en boîte ! » La tendance actuelle à toujours vouloir faire plus propre, à minimiser les risques, conduit à des absurdités qui remettent en cause des fondements ancestraux qui ont pourtant toujours fait leurs preuves. « Regarde les laiteries, y’a plus de levure aujourd’hui !», renchérit Philippe. « Bientôt, ils vont nous faire chier pour qu’on foute du carrelage partout. Ça nous pend au nez. » Il s’inquiète notamment pour ses caves à Vin Jaune.

Philippe BORNARD - LE NEZ DANS LE VERT salon des vignerons bio du Jura

« Ça faisait longtemps que je faisais des vins sans soufre dans mon coin. C’est le reproche qu’on me faisait d’ailleurs (rires). Ils se demandaient ce que j’en faisais. Du troc, du troc évidemment! Mais il faut rappeler qu’à l’époque j’étais tout le temps fourré chez Pierre (Overnoy). Quand je sortais de la coopérative, avec les copains, on filait direct chez Pierre. On y passait des nuits là-bas ! Quand il nous voyait arriver, il disait : « Oh non, pas ce- lui-là. » (rires). Il me disait que mes vins lui rappelaient ceux de mon grand-père. J’étais à bonne école avec Pierre évidemment, mais ce n’est pas lui qui va te conseiller. Comment expliquer. (Il réfléchit) Avec Pierre, on parle du vin, on parle d’un tas de choses, mais il ne s’avance pas à donner des conseils. Comme il le dit, c’est tellement compliqué, le vin. Je suis totalement d’accord avec lui. Si je veux vraiment goûter mes vins de façon professionnelle, je me lève et je fais le tour de la cave, seul, en un quart d’heure. Là t’es bien, t’es pas influencé. Quand t’es seul, tu polarises, tu bosses. Donc Pierre a eu une influence sur ma façon de faire, mais j’ai surtout appris en goûtant les vins de mon père On a fini les 59 y’a pas longtemps. Les poulsard 59, il n’y avait rien dedans. C’était tout travaillé à la main, totalement nature.

Et puis après, dans les années soixante-dix, il est tombé dans la chimie. Mais si on remonte encore, à l’époque de mes grand-parents, on a toujours eu du vin à la cave. Donc j’ai appris à faire du vin avec eux. Après, c’était pas compliqué. On rentrait le raisin, on le pressait sur le petit pressoir qui est là, celui de mon grand-père, clic, clic, clic, clic et on mettait dans un tonneau. Ensuite, on attendait que ça se passe (rires). T’as pas besoin d’apprendre à faire du vin.

Philippe Bornard, ou un demi-siècle de grands vins d'Arbois, côté Jardins! - Le blog d'Olif

En 2006, 2007, on n’était pas nombreux, mais il y avait quand même La Tournelle, FanFan et moi. Et puis, quand tu goûtes les vins bio d’il y a quarante ans et ceux de maintenant, ça n’a rien à voir. Même Pierre à l’époque, il ne faisait pas toujours bon ! Il travaillait beaucoup sur la réduction. Il me disait : « Viens goûter mon vin, j’ai été refusé à l’agrément. » Il ouvrait le fût, je lui disais : « Mais Pierre, ça sent la merde ! » Et là il me répondait : « Mais fais abstraction de la merde. » (rires) Quand tu vas chier un coup dans ta vigne et que ça fume, tu ne sens rien d’autre que ta merde ! C’est pas possible de faire abstraction. On avait souvent cette discussion avec Pierre (rires). Et pour soutirer ça maintenant, tu peux siffler. Tu vas esquinter ton vin. Évidemment, il disait toujours : « Vos petits-enfants pourront le boire. » Il n’avait pas tort, mais en attendant c’est compliqué.

Aujourd’hui, Manu (Houillon) travaille beaucoup sur le fruit. J’aime beaucoup ce qu’il fait. Pratiquement tous les vignerons bios du Jura travaillent sur le fruit, plutôt que sur la réduction, maintenant. Après, moi, j’aime bien quand il y a une petite autolyse. Mais on évolue tous. Manu ne travaille plus comme Pierre. Moi, je ne travaille certainement plus comme en 2005. C’est toi qui sens les choses quand t’es au tonneau. Et sans faire exprès ou le vouloir, tu finis par travailler peut-être différemment. Je ne parle pas de révolution dans la vinification non plus. Mais inconsciemment, on ne fait certainement plus les choses comme on les faisait avant. ça reste le vin qui te dirige, quand tu goûtes. Dernièrement, mon gamin m’a demandé pour la mise s’il fallait faire différemment. Je lui ai dit : « C’est toi qui le sens. C’est toi qui décides. » Je ne voulais pas l’influencer. Parfois, quand t’as les conseils de quelqu’un, au final ça t’amène à faire une connerie. »

Elle est la la transmission. Dans sa forme la plus naturelle, viscérale, instinctive. Au delà des conflits de méthode et de point de vue inhérents à tout échange intergénérationnel, il reste l’essentiel: l’amour pour cette terre familiale qui les unit.

Partagez cet article

Un cookie, ça vous dit ?

Avec les cookies, profitez d'une meilleure expérience sur notre site. Nous les utilisons à des fins de statistiques, d'analyse ou d'actions publicitaires.

En savoir plus

Cookies analytiques

Ces cookies nous permettent de faire de l'analyse statistique et améliorer notre site.

Cookies essentiels

Ces cookies sont nécessaires au fonctionnement du site pour votre expérience d'achat et votre compte client. Vous ne pouvez pas les refuser.