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Stephane Tissot

Stephane Tissot

Entretien à Stéphane Tissot – Extrait du livre entre les vignes 3 générations de vignerons du Jura

La vie est belle !

Cinquante hectares ? Même pas peur. Une trentaine de personnes à gérer ? facile…

Du haut de la mythique Tour de Curon, Stéphane Tissot contemple ses vignes et ce paysage qu’il affectionne tant. Il ne parle plus. Ces quelques secondes de calme sont rares. On les apprécie. Lui aussi. Il faut dire que le bonhomme est un hyperactif assumé. Il ne tient pas en place. Il est partout. Il l’est tout le temps. Depuis deux heures que nous le suivons au pas de course, à travers son chai, ses caves, sa vigne, nous en avons pris plein les yeux et plein les oreilles. Car Stéphane, c’est une vague, une grosse déferlante qui te brise la nuque si tu n’es pas préparé. Il agit, réfléchit, réagit à deux cents à l’heure. A l’instinct ou après réflexion, mais toujours rapidement. Les temps morts, oublie. Ce sera pour plus tard. Quand il sera à la retraite. Et encore… « C’est peut-être pas le meilleur matin pour faire connaissance. Vous voulez faire des photos, c’est ça ? Par contre, vous reviendrez un coup cet été ou cet hiver, je sais pas quand. » Ses troupes et lui ont fini les vendanges la veille, assez tard, se sont couchés au petit matin. Les cadavres de bouteilles entassés dans un coin laissent d’ailleurs présager d’une soirée bien lubrifiée. Stéphane a dormi trois heures. Aucune trace de fatigue. Il répond à nos questions tout en passant d’une cuve à l’autre. Il contrôle les températures, les densités, balance des ordres aux membres de l’équipe qui, eux, pour le coup, semblent un peu émoussés par les festivités de la veille.

« LE SANS SOUFRE, C’EST UN PEU COMME LA BIO, ÇA DOIT ÊTRE UN MOYEN ET PAS UN BUT. »

De 2000 à 2004, j’ai fait pas mal de chardonnays sans soufre. J’en ai fait neuf différents. Je veux avoir la notion de terroir sur chacun. Et, sur les sans soufre, je trouvais qu’il y avait beaucoup de développements de levures. Ce qui fait que ces phases de réduction qui durent pendant sept, huit ans, te cachent un peu l’effet terroir, ça te marque le vin. Après, ça dépend des millésimes. Pour une année chaude comme 2015, par exemple, si tu élèves ton vin dix-huit à vingt-quatre mois, quand tu vas le mettre en bouteille, il sera plutôt stable. Comme il y a beaucoup d’alcool, tu ne vas pas avoir trop de développements de levures en bouteille. Mais si c’est un millésime plutôt froid, comme 2004, 2011 ou 2013, tu vas avoir beaucoup plus de levures et donc beaucoup plus de réduction. Tu vois la stabilité d’un vin sans soufre dans le temps, par rapport à la richesse du millésime. Bref, après sept, huit ans cette réduction disparaît et le vin est magnifique. Mais ça veut dire qu’il faut attendre. Sauf que 80% des bouteilles sont déjà bues. Donc maintenant, sur mes chardonnays, je mets un gramme, un gramme et demi à la mise. Ça me permet de garder la stabilité. Le savagnin, c’est un peu différent. Depuis 2016, je me suis remis à en faire sur des élevages beaucoup plus longs. Là encore, j’ai fait avec et Sans soufre. En fonction des phases, l’un goûte mieux que l’autre et vice versa. Pour moi, le sans soufre, C’est un peu comme la bio, ça doit être un moyen et pas un but. Allez, on va piger un coup !»

Non but a toujours été  d’essayer de faire le meilleur vin possible. Mais, à l’époque, je n’étais pas vraiment allé en amont. C’est à dire je bossais beaucoup sur les vinifs, les ouillages, etc – la vinif paraît toujours un peu plus noble que la vigne, qui est un travail beaucoup plus ingrat -, Maia je manquais de réflexion sur la vigne. Et puis j’ai rencontré des gens à Paris, notamment Bruno Quenioux au La fayette Gourmet, qui a quand même beaucoup fait évoluer la vision du vin. J’ai commence a Bosser  avec lui en 1992, j’avais vingt-deux ans. Grâce a lui, j’ai rencontré Nicolas Joly; Claude Courtois, Francis Poirel, les frères Foucault et bien d’autres. Ils venaient faire déguster leurs vins Bon, on picolait plus qu’on ne faisait goûter (rires) et, surtout, on discutait. Ils étaient tous, ou presque, en bio et ce sont eux qui m’ont donné envie d’y aller. Surtout qu’à la cave, j’avais arrêté de levurer dès 1991. Je raconte souvent la même anecdote, mais en 1998, j’étais allé bosser en Champagne. Il y avait une levure qui venait de sortir, c’était la DB1O. Elle donnait de la minéralité dans les vins, sans être trop aromatique. Je l’avais mise et j’avais reçu plusieurs médailles d’or. J’étais content, sauf que, quelque temps après, je vais bosser en Australie et sur quoi je tombe ? Le même paquet de levures ! Là, je me suis dit qu’il y avait un truc qui n’allait pas. Ma réflexion est donc partie de là. On est passé en bio en 1999. On a repris le magasin à Arbois en 2001. Et on a planté cinq hectares de Vignes entre 2002 et 2004. Tous les copains étaient en conventionnel. Y’ en a beaucoup qui ne donnaient pas cher de notre peau. Vous parlerez du début du bio avec mon père, vous verrez (rires). Car passer trente hectares de vignes en bio, c’était pas évident. Je me souviens encore, la technicienne viticole payée par la chambre d’agriculture nous avait dit: «Tu vas te planter! Lit c’est parfait, ça montrera à tout le monde que j’ai raison.»

La dynamique, le rythme, l’énergie. Stéphane pourrait en revendre tellement il en produit. « Quand tu achètes un vin, c’est sympa de savoir comment la vigne a été plantée, par qui, comment elle a été tenue, etc. C’est important d’avoir une histoire. » Cela résume assez bien la philosophie de cet entrepreneur passionné par sa région, ses vins et sa culture. S’il a développé le domaine familial dans la droite ligne de son père, cherchant à agrandir sa surface au fil des années, il l’a fait avec le plus grand des respects, en cherchant avant tout à faire briller les terroirs du Jura et produire les meilleurs vins possibles. Aujourd’hui, il en retire une certaine fierté, mais c’est certainement secondaire par rapport au bénéfice qu’il apporte à l’ensemble du secteur viticole. D’ailleurs, il fait l’unanimité dans le Jura. On a souvent croisé des avis divergents sur ses vins, ses parti pris, ses élevages, mais jamais sur l’homme. Bien au contraire. Même ceux qui défendent une viticulture à petite échelle ou des vinifications minimalistes reconnaissent la valeur de ce vigneron dynamique, inspiré et optimiste. Stéphane Tissot est un bâtisseur au cerveau bouillonnant, duquel émerge une idée par minute. C’est un hyperactif audacieux, mais toujours tourné dans le bon sens. Celui de la générosité, de la main tendue et de la bonne cause. C’est grâce à des hommes comme lui que le Jura avance tout en conservant ses valeurs, ses racines, son histoire.

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